lundi 16 janvier 2012

Per noste et l'Histoire

Boune noéyt a touts,

Dab lous mêns vots mèy boûns ta 2012, que v'envìi ûn estudi brac, més divertisseén, et dab quauquës enfourmacioûns istouriques e lingüistiques, navères dilhèu ta quauquës ûns.

Plân couraumén,

J.L.


P.S. – Taus qui n'at saberén pas, Per noste qu'y l'assouciacioûn ouccitaniste de Biarn apitade en 1960.

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Jean Lafitte
13 janvier 2012

L’Histoire revue par Per noste

Dessins de Christian Lamaison, textes anonymes

GENÈR-HEURÈR 1979 N° 70

— Qu’èra totun plan content lo Froissart ! Que m’estonerí se disèva trop de mau de jo dens los sons libes... (Qu’èi hèit atencion de non pas trop cridar quan èra a Ortès).


La scène imaginée par le dessinateur se situe après le départ de Froissart, qui séjourna à Orthez du 25 novembre 1388 aux premiers mois de 1389. Gaston Fébus a donc au moins 58 ans. Le dessin représente le haut de la tour Moncade, donjon du château vicomtal, à Orthez, avec vue vers le Sud et au second plan la tour du Pont vieux. Sur la pierre du créneau, un soldat de garde, imaginé comme un conscrit moderne, a gravé « Sonque 1200 dias e tà case ! », « Plus que 1200 jours et à la maison ! ». On remarque le a de dias, selon la norme occitane, suivi du e de case : chez le dessinateur, le naturel revient au galop !

Pour ce qui est du texte imprimé :

– estonerí est une forme authentiquement gasconne en vigueur à Orthez, au lieu de estonarí des grammairiens occitanistes, forme primitive conservée en montagne ;
– disèva par contre est une forme de l’Est gascon, alors que la forme landaise et béarnaise,
donc orthézienne, est disè (ALG VI, 1662 et 1686) ;
– Qu’èi hèit atencion de est un calque du français ; en bonne langue : que-m so(u)y avisat
de, que m’y so(u)y espiat de..., que-m so(u)y goardat de...

NOVEME-DECEME 1991 N° 147

Monsenhor, lo cèu qu’ei clar qu’auram bèra jornada.

Ce dessin commémore la mort subite de Gaston Fébus le 1er aout 1391, à l’issue d’une chasse à l’ours dans les environs de Sauveterre-de-Béarn ; il avait soixante ans ; à en croire le dessinateur, il avait donc beaucoup vieilli en deux ans !

Pour ce qui est de la langue :

– auram est une forme contractée de averam ; son aire d’emploi couvre presque tout le domaine gascon, y compris le Nord-est du Béarn, mais laisse à averam la majorité du Béarn, Orthez compris (ALG VI, 2034) ;
– jornada : jornade apparait dès la Charte de Herrère (ligne 5 ; D. Bidot-Germa et autres, Histoire de Béarn, 1986, p. 53), avec le seul sens d’étendue de terrain qu’on laboure en une journée ; on le retrouve avec le même sens dans divers actes notariés publiés par A. Cauhapé dans Per noste-Païs gascons, p. ex. 1345, n° 218, 9/10 2003 ; mais dans les Rôles de l’armée de Gaston Fébus on trouve le sens de convocation pour une certaine date, en l’occurrence le 2 aout 1376 (P. Raymond, in Archives historiques du département de la Gironde, t. XII, 1870,
pp. 144 et 146) ; enfin, le sens de journée de travail est dans un compte rendu de séance des États de Béarn de 1594 (V. Lespy, Sorcières dans le Béarn, 1874, p. 68).

Si l’on peut à la rigueur considérer que l’interlocuteur de Fébus est d’une région gasconne qui emploie le futur contacté, le mot jornada est une forme non béarnaise et même jornade au sens actuel du français journée est un anachronisme sémantique.

NOVEME-DECEME 1982 N° 93

— Mossur de Saleta, volem e entendem que l’arrevirada e l’impression sian acabadas tà heurèr de 1583. En efèit, seré pecat se Per Noste non podosse tiéner lo son collòqui deu 400au aniversari a la data prevista !

Outre l’anachronisme, voulu avec humour, de la mention de Per noste au XVIe s., cette exigence est totalement invraisemblable, puisque Jeanne d’Albret, morte à Paris le 9 juin 1572, l’aurait formulée avec onze ans d’avance.
Remarquer qu’aniversari dérivé comme anade deu latin ‘annus’, n’a qu’un n, conformément au traitement général des doubles consonnes latines dans les langues d’oc ; la forme annada est une exception languedocienne, probablement due à une latinisation savante.

Conclusion

Per noste/Païs gascons n’a jamais eu la prétention d’être une revue scientifique, même ses pages offrent d’excellentes choses. On ne saurait donc lui faire grief des erreurs, anachronismes et invraisemblances des pages de titre, le plus souvent excellentes quand elles étaient confiées à Christian Lamaison. Mais il faut se garder de prendre au premier degré tout ce qu’on y trouve, et s’appuyer plutôt sur des ouvrages scientifiques.

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