Réponse aux réactions des lecteurs.
Je tiens à remercier les personnes qui ont réagi à la suite de mon constat attristant d’il y a quinze jours sur l’absence totale du béarnais dans les vœux des Béarnais publiés le 2 janvier par la presse paloise.
Certes, la réaction de M. Dominique Bidot-Germa a pu paraître bien vive, mais je le remercie de m’avoir ainsi donné l’occasion de faire à mon tour de nombreuses mises au point sur les graphies du béarnais, la moderne et la classique, ou « occitane ».
Je vais en quelques mots répondre à une petite question soulevée par deux des intervenants, faire une mise au point sur l’efficacité des Calandretas et des manifestations festives, puis je présenterai brièvement l’étude sur la graphie qui sera téléchargeable.
Peyo et L’Ours du bois s’interrogent sur beroye ou beroje. Voici ce que j’en pense : avec l’aide de l’Atlas linguistique de la Gascogne (ALG), j’ai dressé une carte des régions gasconnes qui disent j ou y ; comme pour anade avec un seul -n- (cf. mon étude présentée plus bas), on dit y dans le coin Sud-ouest du domaine gascon, comme adossé au Pays basque (qui dit yauna), dernier refuge de l’aquitain de nos ancêtres communs ; comme le son y est aussi le latin d’origine, je pense que c’est la prononciation la plus ancienne et donc la plus « gasconne » ; le j est venu après. Mais si l’on écrit j en disant qu’il se prononce j ou y selon les lieux, comme le fait la graphie occitane, cela ne règle pas le sort des j qui en un même lieu, restent j tandis que d’autres sont y, et cela au sein d’un même mot : c’est inextricable ; la seule solution praticable est d’écrire j ou y selon la prononciation réelle du lieu ; de toute façon, cela ne gêne absolument pas la compréhension et comme l’a dit un prof. de la Sorbonne, « au moins, on sait comment vous prononcez ».
Pagahosurós a pris l’affaire sur le ton plutôt sympathique de reproches ironiques ; je lui ai répondu personnellement par un message amical. Ici, j’observe que la réussite dans la vie des anciens de Calandreta n’est pas due à l’enseignement du béarnais, mais à plusieurs facteurs : sociologiquement, ce sont pour la plupart les enfants de couples instruits et plutôt des classes moyennes ; l’enseignement se fait à petits effectifs et avec des méthodes pédagogiques favorables, mais qui ne sont pas propres au béarnais ; et le bilinguisme précoce peut se faire dans d’autres langues que le béarnais. De toute façon, le résultat social pour la vitalité actuelle de la langue est nul. Quant aux Carnaval, HestivÒc et autres manifestations largement subventionnées, c’est du « circences » (jeux de cirque que réclamait le peuple de Rome selon Juvénal) où l’on affiche des banderoles en béarnais, mais difficiles à lire avec leur graphie occitane pour initiés, et où des initiés parlent dans des micros : c’est de l’ordre des villages de Potemkine (explications sur Google si nécessaire).
Bien que je n’ai pas mis en cause la graphie occitane dans mon texte d’il y a quinze jours, M. Bidot-Germa en fait le thème principal de sa réaction. Mon étude ne répond qu’à cela, car les précisions sur la souveraineté du Béarn ne concernent pas mon propos. Je montre, avec tous exemples et références utiles :
1 - que la graphie béarnaise autochtone n’a jamais été enfermée dans un corps de règles, mais a consisté à s’adapter sans cesse à la langue parlée qui évoluait ;
2 - qu’il est peu vraisemblable qu’on ait un autographe des seigneurs de Béarn, des Moncade à Henri IV, qui aient envoyé des vœux de bonne année en béarnais et que s’ils l’ont fait, la notation « bona annada » est tout à fait invraisemblable ;
3 - que d’après la prononciation observée par les enquêteurs de l’ALG, seule est valable la prononciation de boun(e) anade en Béarn, boun(e) anade à Bayonne et dans le Bas-Adour ; or un article de la presse paloise de samedi 7/dimanche 8 janvier annonce que l’Institut occitan met à la disposition du public 30 000 cartes postales de « Bonaannada » gratuites, en précisant aussitôt « prononcer boune annade ». S’ajoutant aux « 1 500 affiches diffusées en Aquitaine et Midi-Pyrénées », cette opération publicitaire menée aux frais du contribuable montre malheureusement aux rares initiés soit l’ignorance des personnels de cet Institut quant aux prononciations en domaine gascon, soit, pire encore, une manœuvre pour effacer des spécificités de la langue gasconne et béarnaise en vue de la soumettre au modèle toulousain. Je n’ose pas penser que M. Bidot-Germa cautionne cette entreprise de négation de la diversité linguistique des langues d’oc, alors que, face au français national, le mouvement occitaniste ne cesse d’invoquer cette diversité au profit de l’« occitan ».
4 - que la graphie occitane n’a jamais eu pour objet de rétablir la graphie béarnaise médiévale, mais d’adapter au gascon les règles languedociennes.
Mon étude a pour titre « Bona anada, M. Vidòt-German, Boune anade M. Bidot-Germa », chaque forme étant homogène en graphie, l’une classique, l’autre moderne.
Bonne lecture !