samedi 6 novembre 2010

La France a-t-elle dénaturé les noms de lieux des Pays d’oc ?



Obtenir une signalisation routière et urbaine en langues régionales est une revendication récurrente des mouvements en faveur de ces langues. Cela s’est traduit surtout par l’introduction des noms de communes sur les panneaux d’entrée d’agglomération, d’abord sporadique, mais en progression.

Il n’y aurait pas là matière à épiloguer s’il ne s’agissait que de remettre en honneur des
formes anciennes de ces noms, tout comme lorsqu’on réhabilite un château féodal ou qu’on organise une fête costumée à la mode du moyen âge, ou même simplement du XIXe s. Mais il se trouve que pour plus d’un mouvement de défense des langues régionales, cet aspect linguistique et culturel n’est que le paravent d’une revendication politique qui va de l’autonomie administrative dans une France fédérale à l’indépendance pure et simple. Si l’on y ajoute les visées expansionnistes de certains mouvements qui, indépendantistes pour leur « langue », sont farouchement opposés à la reconnaissance de divisions linguistiques en son sein, avec à la clé un désaccord profond sur les noms des lieux à afficher, ou seulement la façon de les écrire, le sujet devient extrêmement conflictuel.

Or depuis peu, le landerneau des militants des langues régionales résonne bruyamment à la suite d’un jugement du Tribunal administratif de Montpellier qui a prescrit à Villeneuvelès-Maguelone, commune de l’agglomération montpelliéraine, d’enlever son nom « occitan » des panneaux d’agglomération règlementés par le Code de la route et ses textes d’application. Les invectives pleuvent, et cela me fait penser à des enfants qui vont se battre : on discute, puis quand on est à court d’arguments, on s’injurie, et quand on a épuisé le stock d’injures, on en vient aux coups. Pour le moment, Dieu merci ! on n’en est pas à ce dernier stade ; mais on y va, quand, dans un message adressé à un adversaire, un professeur d’occitan qualifie cet adversaire ou son action par « con » (2 fois), « imbécile / imbécilité » (4 fois), « fasciste » (2 fois) et «merde » (1 fois) ; et ce professeur n’est pas un jeune tout fou, il a passé la cinquantaine et enseigne dans un Institut universitaire de formation des maitres (I.U.F.M.).

Or tout cette passion haineuse est l’aboutissement d’une désinformation distillée depuis des années par le mouvement occitaniste, qui a investi l’Éducation nationale, comme on vient d’en avoir un exemple : la République avait arrangé l’Histoire de France à sa façon pour former de bons citoyens, l’occitanisme, après le lui avoir justement reproché, pratique sans vergogne la même réécriture de l’histoire.

Pour illustrer ce propos, voici un extrait d’un commentaire du jugement de Montpellier affiché aujourd’hui même à 9h 09, par un anonyme qui signe « devoir de réserve », sur le site
internet de La Gazette des communes, des départements, des régions :
« Apparemment, Simon de Montfort et sa bande de fanatiques anti-cathares n’ont pas fini leur croisade au bout de huit siècles ! A quand le bûcher en place publique pour les panneaux indicateurs mal-pensants ?
« Jadis, c’était au nom du Roi et de la sainte religion. Aujourd’hui, c’est pire, c’est au nom de la République et du Peuple Français.
[…]
« Ce qui me surprend le plus, quand je suis en vacances en Occitanie (Languedoc et Midi- Pyrénées) c’est de constater l’absence de rancoeur historique (en général) et l’adhésion forte à notre nation républicaine, en dépit des horreurs monstrueuses de la croisade de conquête du XIIIème siècle et de la liquidation organisée et continue de la culture d’Oc qui a suivi. »

Le reste du propos est modéré et a toutes les apparences de la raison. Mais il est remarquable que depuis un siècle maintenant, les occitanistes ont exhumé la Croisade albigeoise des années 1209 et suivantes pour créer de toutes pièces une haine du Midi à l’égard du Nord, alors même que l’intervenant reconnait qu’elle n’existe absolument pas dans la population.

Au début, c’était d’abord le fait de deux instituteurs anti-cléricaux, les « pères » de l’occitanisme, en un temps où le combat anti-clérical était à l’ordre du jour, pour mener à la loi de séparation des églises et de l’État en 1905. Aujourd’hui, cela ressemble à une vieille soupe réchauffée… En tout cas, si l’on condamne avec raison les massacres de l’époque — il y eut des massacreurs dans les deux camps — on tait pudiquement celui de la population de Béziers en 1169, à l’instigation du Vicomte de la ville Roger Trencavel, qui vengeait son père assassiné par ses sujets deux ans avant ; et cela 40 ans avant le massacre par les soudards de l’armée croisée, qui se vengeaient des injures que leur avaient lancées les habitants ! Les moeurs étaient rudes, mais les massacres des dernières décennies survenus dans le monde, Europe comprise, nous obligent à beaucoup de modestie dans nos condamnations du passé !
Ce faits rappelés, j’estime qu’au delà des réactions émotionnelles, il faut étudier posément les données du problème. Et nous verrons vite que c’est un faux problème.

Car lorsque l’on entend remettre en honneur les noms authentiques de nos villes et autres lieux du Midi, il faut se poser la question qui sert de titre à cette étude : La France a-t-elle dénaturé les noms de lieux des Pays d’oc ? C’était déjà le titre d’un court article de ma revue Ligam-DiGaM d’octobre 2006, article que j’actualise et développe quelque peu.
Mais avant d’entrer dans le détail du sujet, je vais me faire provocateur : où, dans l’Histoire, a-t-on jamais vu le nom d’« Occitanie » appliqué à l’ensemble des pays d’oc ? Nulle part, avant l’aventure occitaniste débutée peu avant 1900. Sans remonter au moyen âge, pour le rédacteur de l’article Occitania de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (1765), c’était un mot de « Géog. anc. », « le nom que quelques auteurs du moyen âge ont donné à la province du Languedoc » ; il figurait alors, depuis 1634, dans l’inscription latine des jetons frappés par les États du Languedoc. C’est bien ce qu’a compris l’intervenant déjà cité :
« quand je suis en vacances en Occitanie (Languedoc et Midi-Pyrénées) », à ceci près que la région Midi-Pyrénées a englobé des terres de la Gascogne, jamais comprises dans la province
du Languedoc (principalement à l’ouest de la Garonne). Mais aujourd’hui, les occitanistes l’ont oublié et sont encore plus intransigeants sur l’étendue de la prétendue « Occitanie » que peuvent l’être les « Jacobins » les plus attentifs à l’unité de la France.

La même imposture va se retrouver au niveau des toponymes de terrain. Honnête, ou tellement sûr de sa thèse qu’il n’imaginait pas qu’on pût en douter, l’occitaniste militant que fut M. Michel Grosclaude (1926-2002) l’a énoncée noir sur blanc dans l’Introduction à son Dictionnaire toponymique des communes du Béarn (1991) ; mais il l’a fait en deux temps :
  • p. 20 (les gras sont de moi) : « Un des objectifs qui a motivé ce travail était de proposer une orthographe béarnaise correcte des toponymes béarnais. »
  • p. 30 : « Ce que nous appelons “orthographe béarnaise correcte”, c’est ce que certains ont appelé “orthographe classique”, d’autres “orthographe normalisée”, d’autres encore “orthographe de l’Institut [d’]Etudes Occitanes”, d’autres enfin “orthographe alibertienne” du nom du grammairien [Louis Alibert] qui en fut le principal initiateur. »

Malgré l’avis de tous les linguistes qui se sont penchés sur le gascon et y ont vu une langue distincte de l’« occitan », M. Grosclaude annexe donc le Béarn, terre gasconne, à la prétendue « Occitanie » que caractérise la « langue occitane », et déclare comme « orthographe béarnaise correcte » celle qu’a définie l’Institut d’Études Occitanes (I.E.O.), association privée fondée à Toulouse en 1945. Tout l’écrit béarnais ancien passe à la trappe, ou n’est pris en compte que s’il est conforme aux normes occitanes de la seconde moitié du XXe s. ! Et pour mieux tromper le lecteur confiant, cet auteur appelle « Orthographe restituée » l’orthographe occitane qu’il choisit pour chaque commune. Peut-être ramené à plus d’honnêteté par les élus des Hautes-Pyrénées qui lui avaient confié la charge d’achever le Dictionnaire toponymique de ce département, il a intitulé « Orthographe occitane » la rubrique correspondante de ce dictionnaire publié en 2001.

En tout cas, l’adjectif « restituée » suppose
  • 1° que cette graphie occitane était la graphie béarnaise authentique des origines
  • et 2° que l’administration française l’a dénaturée.
Le 1° peut être vrai ou faux, tout dépend des noms : par exemple, vrai pour Oloron, faux pour Laruenh (béarnais ancien : Laroenh). Mais le 2° est totalement faux.

Et c’est ici que j’arrive au cœur de mon sujet. À ma connaissance, en effet, il n’y a jamais eu de politique centralisée de « francisation » des toponymes ; il suffit de voir la carte des
villes et villages des différentes régions pour constater la grande variété des structures et sonorités de tous les noms, de Dunkerque à Perpignan et de Ploudalmézeau à Schiltigheim. Tout au plus y a-t-il eu une adaptation de l’orthographe aux règles du français, mais ce fut à l’initiative des lettrés locaux, qui avaient à introduire des noms de lieux ou de personnes dans leurs écrits en français, qui furent d’abord des actes notariés ou administratifs.

Ce n’est que lorsque fut institutionnalisé l’état-civil, pour les personnes, et que furent dressées des cartes générales, pour les lieux, que ces graphies locales furent en quelque sorte figées par le sceau de l’officialité. D’où la remarque d’Albert Dauzat rapportée par J.-P. Chambon (Revue de linguistique romane n° 275-276 de Juil.-Déc. 2005, p. 478, note 105) : la forme officielle française est souvent « plus archaïque que celle des patois » (Les noms de lieux. Origine et évolution, 1928, p. 80).

Je n’en voudrai comme preuve que les Pauilhac (Gers), Pauillac (Gironde), Paulhac (Cantal, Hte-Garonne, Hte-Loire et Lozère) et Paulhiac (Lot-et-Garonne), tous phonétiquement identiques, mais notés selon les habitudes locales qui étaient déjà diverses au sein même des idiomes d’oc.

Autre exemple pour le son [ʃ], que l’ancien gascon notait par x, comme l’ancien castillan (Don Quixote, México…), le catalan et le portugais anciens et modernes, et même le basque qui l’a emprunté au gascon. Dans sa Gramatica occitana pour le languedocien, le pharmacien Louis Alibert, référence de M. Groslaude, est parti du modèle catalan, mais a mis ce x parmi « les graphies spécifiquement catalanes » qu’il écartait pour se rapprocher des « procédés auxquels nos sommes habitués depuis l’école », école française, évidemment ; finalement, pour le gascon, il a adopté sh, rare dans les anciens écrits, quasi inconnu en Béarn. Or nous avons Auch, chef-lieu du Gers, qui s’écrivait jadis Aux ; c’est si peu l’administration française qui l’a changé qu’à 35 km, le village d’Aux-Aussat s’écrit toujours ainsi. Et ne parlons pas de Foix et Mirepoix dont la France réputée « jacobine » a respecté et officialisé les graphies autochtones, alors que les occitanistes les “normalisent” en Foish et Mirepoish…

On a même pu lire dans la revue occitaniste de Béarn Per noste (n° 56, 9-10/1976, p. 9) que l’antique nom de Baigts(-de-Béarn) est une « grafia deu cadastre franchiman », avec tout ce que « franchiman » peut avoir de péjoratif, et que sa forme normalisée est « Vath », alors qu’on n’en trouve rien d’approchant dans les écrits anciens.

Si l’on sort de Gascogne, Toulouse a été figé avec deux ou correpondant à une prononciation locale apparue au XVIIe s., alors que Carcassonne l’a été avec o, le passage au son [u] s’étant fait ultérieurement. C’est encore plus net pour Toulon, que les anciens textes notaient Tolon ; le nom a été figée à une époque où le premier o était passé à [u], alors que le second restait [o] plus ou moins nasalisé.

Est aussi intéressant le cas de Robion (Vaucluse), à rapprocher du Roubion, affluent du Rhône à hauteur de Montélimar, et aussi commune du nord des Alpes-Maritimes. Mistral les écrit tous Roubioun, donc tous trois prononcés en “ou”. Ces deux graphies « françaises » ne font que témoigner d’un décalage dans le temps de leur prise en compte par l’administration.

Ma conclusion est simple : les noms « officiels » ne sont pas des « noms français », mais des noms autochtones écrits par des lettrés du pays selon les conventions d’écriture de leur temps et de leur endroit, soit héritées du passé, soit venues de la pratique française, mais toujours pour refléter au mieux la prononciation du temps et du lieu. Le hasard de la fixation dans le temps de ces graphies aboutit à la disparité que l’on voit, flagrante, dans les Pauillac et autres, et qui est la preuve non moins flagrante de l’absence totale de volonté unificatrice de la part du pouvoir central de la France.

S’il y a une telle volonté aujourd’hui, elle vient de ceux qui prétendent imposer un « occitan » convenu entre eux, et bien loin de l’histoire du pays et de sa langue, tout comme de l’attente des derniers locuteurs naturels. Mais ils n’en ont que faire, leur but réel est d’imprimer leur marque sur le paysage pour préparer les esprits à un éclatement de la France.
Déjà, le 24 avril 2007, à Toulouse, « M. Revest, Premier Ministre » proclamait « l’existence d’un Gouvernement Provisoire pour une République Fédérale et Démocratique d’Occitanie ». Et la carte que chacun peut voir sur le site de ce « Gouvernement Provisoire » http://gpo.identitat-doc.net/ ne laisse aucun doute sur ses intentions : France au nord, « Occitanie » au sud.

Et en cette année même 2010, pour la campagne des élections régionales, M. David Grosclaude, le fils de Michel, élu depuis, en a fait aussi sa profession de foi, puisque son site officiel, patronné par Régions et peuples solidaires http://r-p-s.info/+-David-Grosclaude-+, affiche la carte ci-dessous.

Puissent nos élus républicains en prendre conscience !

Jean Lafitte 29 octobre 2010
Docteur en sciences du langage

dimanche 24 octobre 2010

Billère, « Orthographe restituée : Bilhère »

L’affichage d’un panneau « Vilhèra » à l’entrée de l’agglomération de Billère près de Pau a suscité quelques remous : tandis que la municipalité y voit une affirmation de la langue historique du Béarn dans son authenticité retrouvée, beaucoup de Béarnais rejettent cette orthographe comme contraire à l’écriture traditionnelle de leur langue ancestrale.

S’il n’est pas en mon pouvoir d’apaiser les passions de ceux qui font de ces questions des dogmes quasi religieux, je voudrais donner à ceux qui sont capables d’écoute des éléments de réflexion aussi objectifs que possible.

La “bible” des partisans de « Vilhèra » est le Dictionnaire toponymique des communes du Béarn de M. Michel Grosclaude († 2002), publié en 1991 et réédité en 2006. Mais ce n’est qu’une oeuvre parmi d’autres, sans aucun caractère officiel, et qui n’a pas toujours la rigueur scientifique à laquelle elle semble prétendre.

D’où la présente étude critique de l’article Billère de cet ouvrage ; je le reproduis ici d’après l’édition 1991 que j’ai achetée dès sa publication ; il est à la p. 96, et l’article Bilhères-en-Ossau qui le complète en partie, à la p. 141.

Pour être clair, chaque rubrique d’origine est précédée des initiales de l’auteur, M.G., et l’étude critique que j’en fais éventuellement à la suite, des miennes, J.L. Dans ces études, je remplace la notation phonétique propre à l’auteur par l’Alphabet phonétique international (A.P.I.).
Par ailleurs, comme l’auteur a emprunté la plupart de ses « dénominations historiques » au Dictionnaire topographique du département des Basses-Pyrénées de l’Archiviste départemental Paul Raymond (Paris : Imprimerie impériale, 1863), j’ai systématiquement placé en regard celles qu’on trouve dans cet ouvrage.

M.G. – APPELLATION OFFICIELLE : BILLÈRE

M.G. – DÉNOMINATIONS HISTORIQUES :
Paul Raymond
mentionné au XIIe se (Marca, Hist. de Béarn,p. 462).
Vilhere, 1385 (cens.).
Bilhere, 1457 (cart. d’Ossau, f° 159)
Vilhera, 1539 (réform. de Béarn, B. 723).

Michel Grosclaude
Vilhere (1385. Recensement.).
Bilhere (1457. Cartul. d’Ossau, f° 159)
Vilhera (1539. Réform. de Béarn. B. 723).
Billere (Fin 18e s. Carte de Cassini).

J.L.
– ÉTUDE CRITIQUE

La première mention signalée par P. Raymond et ignorée par M. Grosclaude se trouve donc dans l’Histoire de Béarn (1640) de Pierre Marca, au début d’un chapitre XXXIV. Marca s’y réfère à un litige intéressant le chapitre de la cathédrale de Lescar, parce que la façon dont il fut jugé témoigne de l’indépendance de la justice du Béarn à l’égard des suzerainetés voisines. Voici le début du résumé qu’il donne de cette affaire, pp. 462-3, d’après un acte du cartulaire de Lescar :
« Il est rapporté là, qu’Odon de Cadeillon fils de Bernard Garsie, espousa vne fille de Dodon de Benac nommée Arrnesende, qui lui porta en dot la Seigneurie du village de Serres; dont le Chapitre de Lascar auoit possedé l’Eglise paisiblement & sans trouble, l’espace de trois cens ans, & dauantage, comme porte l’acte; auec surprise pour le regard du calcul, qui ne peut aller qu’à cent soixante-dix ans ou enuiron, puis que l’Abbé Loup Fort, & son pere Fortaner de Serres en firent le don, enuiron l’année neuf cens quatre-vingts. Tant y a qu’ils auoient vne assés longue possession, pour n’y pouuoir estre troublés auec iustice. Neantmoins il arriua, sous pretexte que le Chapitre auoit acquis le tiers de la disme de ce lieu par la liberalité de G. Bernard de Bilere & de sa femme Acincelle, [463] que cét Odo tesmoigna, qu’il pretendoit sur la propriété de toute l’Eglise de Serres : alleguant pour pretexte de son iniustice,[etc.]»

Les lieux cités sont Lescar et Serres, plutôt l’actuel Serres-Castet que Serres-Morlaas ou Serres-Ste-Marie, du canton d’Arthez; P. Raymond a donc identifié Bilere, dans le nom du personnage, comme étant notre Billère près de Pau, mais avec -l- simple.

Le Vilhere que Raymond a noté en 1863 au titre du Recensement de 1385 n’est pas dans l’édition qu’il a faite de ce Dénombrement en 1873, mais on y lit Bilhere en quatre occurrences, pp. 4, 114, 116 et 131. À l’initiale, les V des manuscrits se distinguant mal des B, il est vraisemblable que P. Raymond a rectifié en 1873 une mauvaise lecture antérieure, dans la consultation d’une masse bien plus considérable de documents.

Je retiens donc Bilhere.

L’attestation de Bilhere en 1457 dans le Cartulaire d’Ossau est selon P. Raymond au f°159, donc dans le Cartulaire B, le A n’ayant que 111 feuillets ; il s’agit certainement de la pagination première, soit f° 168 dans celle retenue par P. Tucoo-Chala (cf. p. 16), donc acte du 24 novembre 1457 ; le mot y est bien, p. 300. Et surtout, comme un grand nombre d’actes de ces cartulaires concernent le Pont-Long, les occasions de mentionner « Bilhere (pres Pau) » sont nombreuses ; en m’aidant de la table des noms de lieux établie par P. Tucoo-Chala et d’une portion numérisée de ces Cartulaires, j’ai dénombré 49 occurrences de Bilhere et 7 de Vilhere dans des actes datés du 13 juillet 1435 au 22 septembre 1481.

Mais je n’ai pu vérifier Vilhera situé dans la collection manuscrite dite « Réformation de Béarn », non éditée ; je n’ai cependant aucune raison d’en douter, et j’y reviendrai plus loin dans l’étude des finales féminines en -a.

Enfin, je puis ajouter Bilhera présent dans un acte des Notaires de Pau de 1562 (E 1997 f°178), publié par Amédée Cauhapé dans Païs gascons n° 223 de septembre 2004.

En outre, comme à la rubrique Discussion M. Grosclaude renvoie le lecteur à l’article Bilhères-en-Ossau, je reproduis les attestations les plus anciennes qu’il en donne, ici encore en synopse avec celles de Paul Raymond :

Paul Raymond
Bileles, 1154 (ch. de Barcelone, d’après
Marca, Hist. de Béarn, p. 465).
Billere, 1286 (ch. d’Ossau. E. 267).

Michel Grosclaude
Bileles (1154. Ch. de Barcelone in Marca).
Bilère (Transcription française du nom
précédent par Marca)
Billere (1286. Ch. d’Ossau. E. 267).

J’ai pu vérifier la première attestation, Bileles, dans l’Histoire de Béarn (1640) de Pierre Marca ; elle est dans un acte en latin, dans la désignation d’un des personnages de la Vallée d’Ossau assistant à Canfranc, en avril 1154, à l’acte solennel par lequel la vicomtesse de Béarn faisait hommage au roi d’Aragon, que les Béarnais avaient élu comme protecteur du pays pendant la minorité des enfants du vicomte Pierre récemment décédé :

« …Raimundus Guillelmi de Larus, Otho de Castello, Raimundus de Vila, Raimundus Guillelmi de Bescad, Raimundus Guillelmi de Lobier, Raimundus Gaïard de Bileles, Orsalenses. »


On peut faire deux remarques :
– tous ces noms de lieux précédés de la préposition latine de témoignent du fait que le rédacteur n’a pas d’adjectif ethnique pour ces lieux, comme l’est Orsalensis (Ossalois) pour la vallée d’Ossau ; après de, il écrit la forme latine du nom de lieu, s’il la connait et si elle ne risque pas de prêter à confusion ; sinon, il écrit le nom en langue vulgaire ;
– Bielle est effectivement noté par Vila latin, moins connu que la forme classique villa ; mais à l’article Bielle, M. Grosclaude le range parmi les attestations anciennes du nom de cette commune, sans faire remarquer qu’elle n’est pas béarnaise. Au contraire, Bileles est en langue vulgaire.

La forme Bilère ajoutée par M. Grosclaude est en réalité celle de la mention par Marca qu’il a écartée des anciennes attestations de Billère où P. Raymond l’avait placée ; elle est même pour lui la « transcription française du nom précédent par Marca ». Je ne puis imaginer qu’il ait eu sous les yeux le texte original de Marca, qui ne permet pas du tout cette lecture, comme le montre son contexte rappelé plus haut. Et faute d’avoir de lui l’argumentation rigoureuse qui aurait justifié ses dires, nous ne saurons jamais pourquoi il a cru devoir corriger l’archiviste Paul Raymond et ne pourrons donc le suivre.

Je n’ai pu consulter charte de 1286 où figure Billere pour la commune d’Ossau, mais ici encore, je n’ai aucune raison de douter d’une attestation relevée en premier lieu par P. Raymond. L’absence d’-s pluriel ne doit pas être très exceptionnelle, car un coup d’oeil rapide sur les Cartulaires d’Ossau (op. cit.) m’en a déjà révélé deux autres occurrences pp.226 (1440) et 259 (1457) ; de plus, p. 212, un acte de 1435 réunit les deux Bilhere(s) : « …per Molat deu Frexo, de Biele, per Jordanet de Somps, de Bilheres… » et un peu plus loin, « en los locx de Pau, Bilhere, Laoos, Lescar, Borgarber, Serres,… »

En résumé, voici ma liste des dénominations anciennes :

Billère
près Pau
[Bilere] mentionné au XIIe se (Marca, Histoire de Béarn, 1640, p. 462).
Bilhere, 1385 (Dénombrement général des maisons de la vicomté de Béarn en 1385, éd. P.Raymond, 1873, pp. 4, 114, 116 et 131).
Bilhere / Vilhere, 1435-1481 (Cartulaires d’Ossau, éd. P. Tucoo-Chala, 1970, respectivement 49 et 7 occurrences).
Vilhera, 1539 (Réformation de Béarn, B. 723).
Bilhera, 1562 (Notaires de Pau, E 1997 f° 178, éd. A. Cauhapé, Païs gascons n° 223, Sept. 2004, p. 7).
Bilhères-en-Ossau [avant 1300]
Bileles, 1154 (Charte de Barcelone, latin, in Marca, ib., p. 465).
Billere, 1286 (ch. d’Ossau. E. 267)

M.G.
– PRONONCIATION LOCALE : [bilèro].

J.L. – ÉTUDE CRITIQUE

C’était déjà la prononciation relevée dans les années 1941-1953 par les enquêteurs de l’Atlas linguistique de la Gascogne (A.L.G.) et donnée dans la carte 1A du volume I. On peut regretter que M. Grosclaude n’ait pas indiqué sa source pour ce type d’information. Car pour l’ensemble du Dictionnaire, sur les 20 qui ont pu être rapprochées de celles données par l’A.L.G., 7 présentent des différences.

M.G.
– HYPOTHÈSES
Dauzat & Rostaing. Du latin *villella (= petit village). dim. de villa.

M.G. – DISCUSSION

Pierre Bec fait remarquer avec raison que le [l] fait problème. Normalement le lat. villella devrait donner Bilère [bilèro] et non [bilèro]. Mais précisément une forme Bilère a dû exister comme on s’en convaincra en se reportant à Bilhères en Ossau (Canton de Laruns) qui a même origine et même signification. Il est évidemment impossible, dans l’état actuel de notre documentation, de dire quand et sous quelles influences la mouillure du l s’est introduite.

J.L. – ÉTUDE CRITIQUE
M. Grosclaude amorce sa « discussion » en citant et approuvant Pierre Bec pour qui le [ʎ] fait problème, mais sans donner de référence ; et la «discussion» tourne court avec cette étonnante affirmation : « Normalement le lat. villella devrait donner Bilère [βi'lɛro] et non [βi'ʎɛro]. » Or il n’est pas un connaisseur du gascon qui ne sache que dans la formation naturelle de la langue, le -ll- latin y aboutit systématiquement à -r- : ‘bella’ > bère. Mais ce n’est sans doute qu’une inadvertance de la part de M. Grosclaude, qu’on aura peut-être corrigée dans l’édition de 2006.

La forme villa aboutit donc à des mots en -r- ; cela se vérifie pour deux noms des Hautes-Pyrénées (cf. Dictionnaire toponymique des communes des Hautes-Pyrénées présenté en Annexe II) : Villenave, près de Luz-St-Sauveur, qui se prononce ['βira'naβo], et Villelongue, dont la prononciation ['βilo'lunko] n’a pas totalement évincé celle, plus ancienne, de [βira'lunko] (cité par le Pr. Xavier Ravier, dans une conférence du 28 mai 1999 à l’École pratique des Hautes études, de la Sorbonne).

En Béarn, villella donnerait donc normalement *birère; certes, on peut être tenté de trouver difficile de prononcer ces deux syllabes commençant par r- ; mais il y a trop de mots dans ce cas pour ne pas dissiper cette crainte ; par exemple, en gascon, baque beterère, cousturère, Herrère, literàri etc. et même en français, araire, littéraire, ils savourèrent, etc.

D’autre part, le -ll- de villella n’est pas sûr ; il convient en effet de rappeler que la forme de base vila, variante du villa classique, est à l’origine de toutes les formes gasconnes en -l- : viele ou biele, très largement utilisé dans les actes anciens de la ville de Bayonne (comme pila latin donne piele, « pile ») ; vilella pourrait donc justifier aussi bien Bileles de la Charte de Barcelone pour Billères-en-Ossau que Bilere du Cartulaire de Lescar pour Billère.

En tout cas, issu de vila ou de villa, c’est bien le [ʎ] qui pose problème ; certes, des l simples aboutissent à [ʎ], comme l’ont étudié Rohlfs (Le Gascon, 1977, n° 255) et Coromines (El parlar de la vall d’Aran, 1990, p. 39), mais pas entre voyelles ; or on n’est pas loin de l’Espagne, et notamment de l’Aragon, où les -ll- latins ont abouti à [ʎ]. Un tel phénomène phonétique se trouve justement dans le gascon Sibilhe, présent dans les Récits d’Histoire sainte en béarnais, datés du début du XIVe s., et connus par un manuscrit ossalois du début du XVe s. ; le mot vient du latin Sibylla naguère chanté dans le Dies iræ, où sont appelés en témoignage le roi David et la Sibylle (Teste David cum Sibylla). En usage dans un contexte religieux, le mot serait alors de formation semi-savante. Mais ce ne sont là que des pistes de réflexion…

Quoi qu’il en soit, puisque [ʎ] existe sans conteste derrière les notations en -lh-, il reste la question des -l- et -ll- au lieu des -lh- attendus.

D’abord, il convient de rappeler que -ll- a noté le son [ʎ] en concurrence avec -lh-, beaucoup plus usité. C’est ainsi que la Charte des boucheries d’Orthez du 2 novembre 1270,l’un des plus anciens originaux qui nous soient parvenus, ignore totalement lh et use surtout de ll ou ill ou même il, non seulement en finale (Cosseill, très nombreux null(s), orgull, bieil) mais aussi entre voyelles (apparellen, aolle, bolle, Gallard, aureiles, meilor, apareilade). Dans un acte plus récent d’à peine 16 ans, je ne doute pas que Billere de la charte d’Ossau de 1286 se prononçait comme Bilhere.

Enfin, le -l- simple de Bileles et Bilere, rencontrés chez Marca et datés du XIIe s., pourrait être un vestige d’une prononciation en [l], comme le suggère M. Grosclaude, mais le vila que cela suppose ne permet plus le [ʎ], qui n’a rien d’hypothétique. Comme Bileles ne nous est connu que par une charte latine dressée par la chancellerie d’Aragon et Bilere, par un récit en français de Marca, j’estime qu’il vaut mieux ne pas s’y attarder davantage.

M.G. – CONCLUSIONS
Très probablement. Du latin villa et suff. –ella : petite ville (ou petite propriété).

J.L. – ÉTUDE CRITIQUE

En concluant que Billère vient très probablement du latin villa + ella, M. Grosclaude adopte l’étymologie proposée par Dauzat et Rostaing, ce qui, de la part des uns et des autres n’a rien de surprenant. Mais j’attire l’attention du lecteur sur le sens que leur donnent ces auteurs : pour Dauzat et Rostaing, c’est un « petit village » ; pour M. Grosclaude, une «petite ville » ou une « petite propriété », ce qui donne au mot de base villa trois sens possibles, village, ville et propriété.

Tous peuvent se justifier, même si la ville n’a pas la même taille qu’un village, et une propriété n’est qu’une partie de territoire sous la main d’un propriétaire. Mais on touche là du doigt l’énorme illusion entretenue par l’idée reçue qu’une graphie étymologique est une ouverture vers la signification du nom de lieu ; car même décrypté, le mot villa contenu dans Billère n’est qu’un signe, et un signe n’est compris que par celui qui en a appris le code. Or l’immense majorité des Français qui lisent le mot villa voient tout de suite une belle maison entourée d’un jardin, dans un quartier résidentiel, pas du tout une propriété de l’époque romaine avec la maison du maitre et toutes ses installations d’agrément, plus de quoi loger les esclaves et abriter animaux et matériels d’exploitation, villa qui devient par la suite le noyau d’un village, avec son église et son cimetière. Toute cette glose suppose une culture historique finalement rare.
Et avec un brin d’initiation linguistique, celui qui a cette culture historique n’aura pas de mal à reconnaitre la petite villa sous le nom de Billère.

M.G. – ORTHOGRAPHE RESTITUÉE : Vilhèra.

J.L. – ÉTUDE CRITIQUE

Nous avons atteint le but. Car tout ce qui précède dans l’article Billère ne tendait qu’à justifier cette « orthographe restituée ». Il faut en effet avoir à l’esprit ce que M. Grosclaude a écrit en tête de son Dictionnaire, p. 20 (les gras sont de moi) :
« Un des objectifs qui a motivé ce travail était de proposer une orthographe béarnaise correcte des toponymes béarnais. Cela nous paraissait essentiel pour deux raisons. La plus immédiate est que nous avons souvent été sollicités par de nombreuses personnes qui nous demandaient comment écrire le nom de leur ville ou village « en béarnais correct ». Or, nous avions toujours différé notre réponse, estimant qu’elle ne pouvait résulter que d’une enquête scientifique préalable. La seconde raison est que la reconquête du patrimoine toponymique est un des aspects essentiels de la reconquête de la langue, […].»
Il serait bien difficile de ne pas applaudir cette déclaration d’intention. Mais c’est aux fruits qu’on reconnait le bon arbre, et c’est cette « orthographe restituée » qu’il convient d’apprécier; oubliant « la reconquête de la langue » que la sociolinguistique oblige à renommer « la grande illusion », je vais le faire par la réponse à une question toute simple : permet-elle de retrouver les anciens noms des communes ?

Regardons la liste des attestations anciennes : hormis le Bilere du XIIe s. qui n’est pas sûr, les 62 autres ont en commun les 5 lettres centrales, ilher, différant de la graphie officielle illèr par la notation du [ʎ] (je néglige l’accent grave qui n’existait pas jadis) ; 54 ont B à l’initiale, comme l’officielle, 8 seulement V ; et pour la finale, 60 ont e, comme l’officielle, deux seulement a et ce sont les plus récentes !

Car depuis que le béarnais s’écrit, le -a latin des finales (rosa) a été majoritairement noté par -e (rose) conformément à l’évolution de sa prononciation. Il y eut certes un “retour” du -a dans les environs de 1540, mais ce fut éphémère ; voir l’Annexe I.

La forme ancienne, de loin la plus attestée, est donc Bilhère.

En choisissant le V- et le -a, tous deux largement minoritaires, M. Grosclaude n’a donc en rien « restitué » l’orthographe ancienne de la langue du pays. La raison, il l’a donnée p. 30, dix pages après le texte reproduit plus haut :
« Ce que nous appelons “orthographe béarnaise correcte”, c’est ce que certains ont appelé “orthographe classique”, d’autres “orthographe normalisée”, d’autres encore “orthographe de l’Institut [d’]Etudes Occitanes”, d’autres enfin “orthographe alibertienne” du nom du grammairien qui en fut le principal initiateur. »

Il n’avait donc en rien l’intention de « restituer » une orthographe ancienne, mais seulement d’appliquer les règles que l’Institut d’Études Occitanes (I.E.O.) a définies pour l’occitan languedocien et que leur “père” le Languedocien Louis Alibert a ensuite adaptées au gascon. Aussi une plume amicale a-t-elle pu écrire de lui : « Dans la querelle des orthographes, la graphie occitaniste était un dogme auquel il ne dérogea jamais (L. Laborde-Balen, Pyrénées,n° 212, 2002, p. 416). Or la science ne connait pas de dogmes : pour ce qui est de la graphie, en posant l’occitaniste comme un préalable, M. Grosclaude s’est donc mis hors-jeu sur le terrain scientifique où il entendait placer son ouvrage…

En conséquence, quand il ne trouvait pas d’attestation ancienne conforme aux normes occitanes, fût-elle isolée et des dernières venues comme Vilhera, M. Grosclaude fabriquait l’orthographe « correcte » à ses yeux. Aussi, en faisant abstraction des accents et signes que l’ancienne langue ne connaissait pas, sur les 459 cas d’« orthographe restituée » dans l’ensemble du Dictionnaire, j’en ai relevé 204 qui n’ont aucun précédent exact (44,4 %) dans les attestations anciennes produites.

Comme en bon français « restituer » c’est « remettre à sa place primitive, dans son état premier ou normal » (Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française), l’expression «orthographe restituée» est donc une tromperie.

Quant au résultat sur la conservation efficace du nom historique, il n’y a pas de miracle, car cette graphie reste étrangère pour le peuple du Béarn. Le fondateur de l’occitanisme béarnais, Roger Lapassade, l’avait observé dès 1975 :
« Le facteur des P.T.T. lui, était fâché avec la nouvelle graphie : — Moi, elle m’estomaque ! Jamais je ne pourrai me la mettre dans la tête. » (Sonque un arríder amistós, 1975, p. 120).
« …l’Église Catholique […] fait chanter des messes en Gascon et écrit les paroles dans la graphie normalisée. Mais les paroissiens ne veulent pas la lire et n’en comprennent pas tous les mots. » (« Lo vent dens las paginas », Per noste n°51, 11-12/1975, p. 17).

Et sur la fin de ses jours, « il travaillait à une traduction française de ses poèmes pour faire connaitre son oeuvre […] à ceux qui voudraient la lire mais qui restent rebutés par la graphie classique » (Marilis Orionaa, Per noste n° 194-1951, 9-12/1999, p. 16).

Quand on sait comment un Français lit les noms de footballeurs espagnols ou italiens, on imagine donc facilement comment les citoyens, Béarnais ou non, liront un nom comme Vilhèra ; même parmi les quelques jeunes qui ont appris à lire la graphie occitane dans leur cursus scolaire, combien en ont gardé quelque chose de suffisant pour bien lire ces noms ?

En produisant un ouvrage sans références historiques, à la différence de P. Raymond à qui il empruntait l’essentiel de ses dénominations historiques, en ignorant l’esprit de l’ancienne orthographe autochtone, en faisant des normes orthographiques occitanes un dogme et en trompant sur la nature réelle des orthographes qu’il prétendait « restituer », M. Grosclaude nous a privés de l’ouvrage scientifique de référence qu’aurait pu être son œuvre.

ANNEXE I

Le “retour” du -a féminin dans l’écrit béarnais au XVIe s.

C’est un fait facile à constater : dès les premiers textes béarnais originaux qui nous sont parvenus, à partir de 1250, les finales féminines sont notées par -e très majoritairement, quand cela n’est pas presque exclusivement. Et ce n’est pas une exception en gascon, car c’est la pratique bien établie des Landes et de Bayonne.

Or vers 1540 débute une période où, rompant avec cet usage, les finales féminines sont notées en -a au lieu de -e. Le Vilhera de 1539 et le Bilhera de 1562 se situent dans cette période.
Je n’ai pas encore pu déterminer la date du changement.

Cependant, on ne trouve que des finales féminines en -e dans les pièces officielles des États de Béarn, publiées d’après les archives par Léon Cadier (1888) et Henri Courteault 1906), jusqu’à la séance des États de juillet 1521 à Navarrenx (Livre des Syndics des États de Béarn, II, pp. 190-3).

Le changement est en tout cas postérieur au 1er mars 1533, date à laquelle les États réunis au château de Pau refusent d’enregistrer les lettres patentes écrites en français, qui accréditent l’évêque de Rodez pour les présider au nom du roi, retenu à la cour de France ; le compte rendu officiel dans le document C. 681 des Archives départementales ne comporte qu’un seul -a contre 14 -e, comme on peut le voir d’après Auguste Brun (L’introduction de la langue française en Béarn et en Roussillon, Paris : Champion, 1923, pp. 13-14) :
« et feyte lad. publication et a cause que lasdites lettres eran scriptes en lengadje frances ste concludit que aqueres fosson redigides en bearnes et supplicat audit s. de Rodez permetossa que fosson conbertid en bearnes et inserides en lo présent liure en bearnes et que volos interceder vers lod. senhor que quant de hores en abant los tremetos lettres patentes et semblantz actes ny autes, que los tremetos en lenguadge deu pays… » (f°. 92 r°) Et à la fin de la séance, « que aussi lod. senh. no have acostumat tremeter lettres ny expéditions en lenguadge frances, en lo present pays e que volos interceder que dehores en abant lod. senh. lor expedis tots lettres en lenguadge deu pays, lo que et lo tot lod. sh. de Rodes lo. accorda et prome[to] de far » (f°. 93 r°).

Mais une recherche rapide parmi les attestations de noms de lieux recueillies par P. Raymond et se référant à la collection dite de Réformation de Béarn (Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques) m’a révélé des formes en -a dès 1538.
Lòs Fors, et costumas de Bearn, approuvés par le roi Henri II en 1551 et imprimés à Pau en 1552 ont massivement adopté la notation en -a.

Certains ont cru y voir un retour à la latinité dans l’esprit de la Renaissance, mais c’est a priori peu vraisemblable dans l’écriture d’un ouvrage destiné à la pratique judiciaire, en remplacement des anciens fors et coutumes dont « quelques articles étaient formulés en un langage devenu inintelligible » (in Lettres patentes publiées en tête de cette édition).

La clé de ce changement peut être entrevue par l’Advertissement qu’Arnaud de Salette a placé en tête de son adaptation béarnaise des Psaumes de David publiée en 1583 : s’adressant visiblement à des confrères pasteurs venus de France ou de Genève et ne maitrisant pas parfaitement le béarnais, il leur explique par le français la prononciation des lettres du béarnais ; mais pour le -a féminin, donc après la syllabe tonique, dont il use largement, il n’a aucun modèle français, et il se réfère à l’espagnol Senhora (sic). Donc pour Salette, écrire -a correspondait à la “bonne” prononciation du béarnais de l’époque. Il n’est pas douteux par ailleurs que le -e ancien correspondait à la prononciation que l’on entend encore aujourd’hui dans l’ouest du Béarn et la moitié nord-ouest du domaine gascon.

M. Grosclaude a supposé que la prononciation de l’est béarnais de l’époque était bien [a], comme on la constatait naguère à Pontacq, et que sa notation à l’écrit reflétait le déplacement du centre du pouvoir d’Orthez à Pau (Actes du colloque international Arnaud de Salette, Orthez, 16-18 février 1983, 1984, p. 295).
C’est tout à fait plausible. Depuis les environs de 1460, en effet, la cour n’est plus à Orthez mais à Pau, et dès lors, le personnel administratif se recrute surtout à l’est ; sans doute la force de la tradition a-t-elle maintenu le -e traditionnel, jusqu’au jour où une nouvelle génération a choisi d’écrire comme elle parlait.
Mais ce ne fut qu’un feu de paille, car en 1589, l’accession d’Henri III de Navarre au trône de France sous le nom d’Heri IV allait très vite enlever à Pau son titre de capitale ; et c’est un fait avéré que l’écrit béarnais revint au -e féminin, qui s’est perpétué jusqu’à nos jours. Ainsi il semble bien qu’il n’y plus que des finales en -e dans l’un des derniers documents officiels publiés en béarnais, la Compilation d'auguns priviledges et reglamens deu pays de Bearn, Orthez, 1676 ; je n’ai pas cet ouvrage, mais il est souvent cité dans le Dictionnaire de Lespy, auteur qui respecte les graphies originales, comme le montrent les finales en -a dans ses citations d’Arnaud de Salette ; de fait, une exploration systématique de la lettre A m’a permis de relever 16 citations de la Compilation à finale(s) féminine(s), toutes en -e ; en voici la première, v° Afferme : « Las affermes de las baylies e notaries. P. R. Les affermages des charges de baile et de notaire.»

ANNEXE II
Le Dictionnaire toponymique des communes des Hautes-Pyrénées

Ce dictionnaire a été publié en 2000 sous l’égide du « Département des Hautes-Pyrénées – Mission Culture Occitane » ; il est donc le pendant haut-pyrénéen de celui du Béarn, mais si M. Grosclaude y figure comme auteur, lui est associé M. Jean-François Le-Nail, les deux ayant achevé un travail entrepris par M. Jacques Boisgontier et M. Le Nail.

M. Boisgontier, décédé en 1998, était chercheur au CNRS et connu pour la qualité de ses travaux sur la langue gasconne et la publication respectueuse d’oeuvres importantes d’amateurs éclairés, jusque là inédites. M. Le Nail était alors le Directeur des Archives des Hautes-Pyrénées, et on lui doit notamment de précieux ouvrages d’histoire pyrénéenne.
D’après les 58 références que M. Grosclaude fait à M. Boisgontier, c’est plus de 11 % des toponymes qui avaient été déjà étudiés par ce dernier.

M. Le Nail a entièrement revu toutes les attestations anciennes qu’un de ses prédécesseurs Louis-Antoine Lejosne avait déjà réunies en 1865 en un Dictionnaire topographique du département des Hautes-Pyrénées; mais ce travail était resté inédit jusqu’à sa récente publication par M. Robert Aymard en 1992.

Quantitativement, l’ouvrage couvre tout le département, alors que le dictionnaire de M. Grosclaude se limite au Béarn et ignore la région gasconne de Bayonne et du Bas-Adour; de plus, outre les fiches des 474 communes, il comporte 46 fiches pour des villages intégrés à des communes sans que leur nom apparaisse toujours dans celui de la commune, ainsi que la mention, sans étude toponymique, de 432 noms de hameaux ou quartiers.

Et surtout, contrairement au dictionnaire béarnais de M. Grosclaude, chaque fiche se conclut ouvertement par le « Nom occitan », qui ne prétend plus « restituer » une orthographe autochtone ancienne. Mais cela n’empêche pas ce « nom occitan » de ne pas toujours respecter les normes orthographiques occitanes, par un souci de “localisme” où l’on devine la pression des élus et sans doute aussi des érudits du département plus ou moins associés à la « Mission culture occitane ». Ainsi, à 22 km de distance à vol d’oiseau, le même Ger officiel prononcé [jɛr] (ièr) dans les deux cas, a Gèr pour « orthographe restituée » en Béarn (Dic. Béarn, p. 322) et Ièr pour « nom occitan » en Bigorre (Dic. H.-P., p. 169).

Jean Lafitte 10 octobre 2010, revu le 19

dimanche 14 mars 2010

Petite chronologie de Lingua de hoc à Occitanie

Petite chronologie de Lingua de hoc à Occitanie

Il s’agit dune chronologie linguistique, qui prend en compte les formes rencontrées, leur langue, la région où elles apparaissent, la qualité de celui qui en use (autorité publique et ses secrétaires, notaire ou clerc de fonctions équivalentes, historien ou poète) et le sens qu’il lui donne (obtenu le plus souvent par conjectures, d’après l’histoire du contexte social où apparait l’occurrence).

HGL renvoie à l’Histoire générale de Languedoc de Dom Cl. Devic et Dom J. Vaissète, Toulouse : Privat, 1874 à 1902, et spécialement les volumes de preuves : pour 1271-1443, t. X, 1885; pour 1443-1789, t. XII, 1889 et t. XIV, 1876.

Entre 1285 et 1288 – lenga que dyen “hoch”, catalan, chroniqueur Bernat Desclot – désigne un territoire (Desclot (B.), Crónica del rey en Pere e de seus antecessors passats, éd. Coll i Alentorn (M), Barcelone, 1950, chapitre CXXXVII, IV, p. 117).

2 février 1291 – lingua d’oc, latin, acte notarié dressé à Lagny, « d’oc » étant une expression de la langue courante pour désigner les gens des provinces méridionales, qu’on nomme en latin « provinciales » (HGL, t. X, col. 245).

26 mars 1295 – lingua de hoc, latin, acte de Philippe le Bel, (P.M., 11; H.B., 26) se réfère, à la cité de Nîmes, à la province de Narbonne et à « tota terra sive », « toute le terriroire ou langue d’oc » (HGL, t. X, col. 247).

1298 – Langue d’oc, français, mémoire politique rédigé sur ordre de Philippe le Bel; territoire explicité par « à savoir des sénéchaussées de Tholose, de Carcassonne et de Beaucaire » (Boutaric (E.), Documents relatifs à l’Histoire de France sous Philippe le Bel, pièce n° VII (dans les Notices et extraits des manuscrits, t. XX, 2e partie). Boutaric attribue ce document à 1297, mais il ne peut avoir été rédigé qu’en 1298. Référence et commentaire de P. Meyer).

14 aout 1302 – Lingua Occitana, latin, convocation par Égide, archevêque de Narbonne, d’un concile à Nîmes, au sujet du différend du pape Boniface VIII avec le roi Philippe le Bel – territoire (HGL, t. X, col. 399).

1317 – la lingua d’Oc, roman 1 du Languedoc, relation de la nomination d’un “capitaine” des marchands pour le territoire de la « langue d’oc » (B. I. [B. N. en 2008] Registre de Montpellier, ms. fr. 11795, cité par Bourquelot (F.), Études sur les foires de Champagne, sur la nature, l’étendue et les règles du commerce qui s’y faisait aux XIIe, XIIIe et XIVe siècles, Paris, 1865, p. 151, n. 3).

1342 – partes Occitane, latin, désigne, dans une lettre de Philippe VI de Valois, des territoires de langue d’oc, associés à ceux de Saintonge, où il a établi précédemment l’évêque de Beauvais comme son lieutenant : in partibus Occitanis & Xantonensibus (Ordonnances des Roys de France de la Troisième race, tome II, 1729, p. 181).

1er décembre 1359 – partes Occitanie, latin, dans la titulature de Jean, comte de Poitiers, fils du roi Jean le Bon et son lieutenant in partibus Occitanie & Alvernie, dans les régions de Langue d’oc et d’Auvergne (HGL, t. X, col. 1176). Cette expression ne se retrouve que dans un autre acte, de 1431 (col. 1972) et, en variante patria Occitanie dans un troisième, de 1443 (col. 2207); mais on n’en a pas de Occitania seul. Quant à patria, c’est le roi Charles VII qui en use, et non un quelconque habitant des pays d’oc. Ce serait donc un grave contre-sens de traduire patria par « patrie » avec le sens qu’a aujourd’hui ce mot; tout le contexte montre qu’il ne veut rien dire d’autre que « pays, territoire, région », sans qualification juridique particulière, contrairement à ducatus, duché, ou comitatus, comté.

1373 – langaige d’oc, français, dernière mention médiévale connue de « la langue d’oc » avec un sens linguistique, au sujet d’un ouvrage dans un inventaire de la librairie du Louvre (n° 378 de l’édition de M. Delisle, Cabinet des manuscrits, III, 134).

1495 – occitanos, occitanis, latin, dans des lettres de Ferdinand le Catholique, roi d’Aragon, appliqués à des personnes, en l’occurrence des marchands du Languedoc. (Documentos sobre las relaciones internacionales de los Reyes Católicos, III, publiés par Antonio de la Torre, Barcelona, 1949, V, p. 121, doc. n° 181 et 182).

1617 – Occitania (isolé) et occita nicus, latin, dans un poème d’hommage au Toulousain Goudoulin, en tête de la première édition de son recueil Le Ramelet moundi (…& autres œuvres, réédition par Philippe Gardy, 1984, p. 29); Ph. Gardy précise bien en note (p. 63) que occitanicus « renvoie ici au seul Languedoc ».

Il en sera évidemment de même :
– pour Occitania ou Occitaniæ au revers des jetons frappés par les États de Languedoc de 1634 à 1789;
– pour les Antiquitates benedictinae Occitaniae de Dom Estiennot, ou Claude Estiennot de la Serre (Varennes, 1639; Rome, 1699), bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur, qui a écrit cet ouvrage entre 1673 et 1682 (d’après la bibliographie du tome VIII de l’HGL qui précise : autrefois à la bibliothèque de Saint-Germain des Prés; auj., à la Bibl. nat., ms. fonds latin, nos 12760, 12761).

1732 – Occitanie, français, à la p. xxxjv (34) de la Préface des Ordonnances des Roys de France de la Troisième race, tome III publié en 1732 par l’avocat parisien Denis-François Secousse (1691-1754). L’auteur mentionne une Ordonnance du 18 Février 1357 (ancien style, donc 1358 pour nous) de Jean, comte de Poitiers — déjà cité pour 1359 — avec « le titre de Lieutenant du Roy dans toute l’Occitanie par de là la Dordogne »; mais Secousse traduit là un texte latin qu’il donne p. 689 et qui porte « Locum-tenens Regis Francorum, citra Fluvium Dordonie, per totam Linguam Occitanam » : non seulement il n’y a pas la moindre trace d’« Occitania », mais encore citra signifie « en deçà » et non « par delà », donc au sud de la Dordogne puisque l’ordonnance est datée de Montpellier; notons en outre que l’apposition de « per totam Linguam Occitanam » à « citra Fluvium Dordonie » ne permet pas d’affirmer que le rédacteur de 1358 identifiait la Lingua Occitana à tout le sud de la Dordogne… Quant au mot français Occitanie dont use Secousse, il est totalement ignoré d’Eusèbe-Jacob de Laurière (1659-1728) qui avait publié en 1723 le premier tome des Ordonnances… et préparé le second; à sa mort, Secousse prit sa suite en achevant ce second tome (1728) et en réalisant le trioisième (1732); on peut en conclure que Secousse est l’inventeur du français Occitanie.

Décembre 1765 – Occitania, latin, p. 332 du volume XI de l’Encyclopédie de Diderot-d’Alembert; le rédacteur de la rubrique le classe en « Géographie ancienne » et le définit ainsi : « c’est le nom que quelques auteurs du moyen âge ont donné à la province du Languedoc; mais ce nom étoit commun à tous les peuples qui disoient oc pour oui, c’est-à-dire, aux habitans de la Gascogne, de la Provence, du Dauphiné, ainsi que du Languedoc, dont le nom moderne a été formé. » Ce rédacteur est le chevalier Louis de Jaucourt (1704-1779), qui a signé à lui seul quelque 17 000 articles de l’Encyclopédie et ne pouvait être un “spécialiste” de toutes les questions traitées. Mais il témoigne de ce que pouvaient savoir les Français instruits du XVIIIe s. et particulièrement de l’ignorance totale du néologisme français Occitanie.

Décembre 1765 – Occitanie, français, p. 26 du volume XIV de l’Encyclopédie, à l’article règles en trois occurrences, les seules des dix-sept volumes de l’Encyclopédie.Non signé, l’article est très vraisemblablement du même auteur que l’article menstrues du tome X dont il serait le complément, alors que le volume X était déjà composé; certes, ce dernier article n’est pas signé non plus, mais il est pour Wikipédia l’un des plus célèbres de Gabriel François Venel, médecin, pharmacien et chimiste français; né à Tourbes (Hérault) en 1723, il obtint en 1759 une chaire à la faculté de médecine de Montpellier et mourut à Pézenas en 1775. Le mot Occitanie figure dans trois passages décrivant une sorte de géographie des règles quant à la quantité de sang perdu, la durée du flux mensuel et l’âge des premières règles. En cela d’ailleurs Venel est original, car on ne trouve pas ces précisons géographiques chez l’Anglais Robert James, à l’article menses de son A medicinal dictionary paru en 1745 et traduit en français par Diderot lui-même. Employé par un médecin dont toute la vie fut centrée sur Montpellier, le mot Occitanie ne peut désigner que le Languedoc, dont les États frappaient encore leurs jetons avec le latin Occitania.

1788 – Occitanie, français, entre dans le champ littéraire, grâce au court roman pastoral Estelle du Langue docien Jean-Pierre Claris de Florian (1755-1794); mais l’auteur précise bien : « Le Languedoc ou l’Occitanie ».

24 mai 1838 – Occitania, en languedocien de l’Est, dans l’Apouthéosa dé Pierré Paul Riquet, poésie présentée par un potier de Clermont-L’Hérault, Jean-Antoine Peyrottes (1813-1858), à un concours ouvert par la Société archéologique de Béziers (Revue des langues romanes, I, 1870, p. 266). Cette forme en O- n’est pas normale en syllabe non accentuée d’un mot d’usage courant : même le premier o d’Apothéose est devenu ou dans le titre donné par l’auteur (cf. l’article du Tresor dóu Félibrige de Mistral cité ci-après). Il s’agit donc d’un néologisme, et comme le latin Occitania était certainement étranger à ce mo deste artisan, cela ne peut être qu’une adaptation de l’Occitanie français. De toute façon, comme celui-ci et l’Occitania latin, il ne pouvait désigner alors que le Languedoc.

1884 – Oucitanìo, Ouccitanié, Ouccitanìo, en langue d’oc, figurent en entrée d’un article d’un fascicule du Tresor dóu Félibrige de Mistral paru vers le début de cette année. Il est ainsi traduit : « Occitanie, nom par lequel les lettrés désignent quelquefois le Midi de la France et en particulier le Languedoc. »

1904 – Occitania, en languedocien, graphie classique, désigne l’ensemble des pays d’oc dans « Foc nou » [sic] d’Antonin Perbosc (1861-1944), Mount-Segur n° 12, décembre 1904. Le français « Occitanie » sera dès lors utilisé avec la même extension par les adeptes de l’Occitanisme, puis, sur la fin du XXe s., par une presse éprise d’exotisme rapproché.

Jean Lafitte 22 novembre 2009
Complété 11 mars 2010

1 N’a pas de nom propre à l’époque, alors que le catalan, le provençal et le gascon sont déjà nommés par ces noms-là.
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