Écrit le 23 septembre 2008,
publié dans Me dison Prouvènço, n° 22, Octobre-novembre 2008, p. 12
LangueS d’oc et occitan :
la logique occitaniste à l’épreuve
M. David Grosclaude, président de l’Institut d’Etudes Occitanes (I.E.O.), est comme on le sait le fils du défunt Michel Grosclaude, professeur certifié de philosophie et donc de logique.
Aussi eut-il le loisir d’en donner à son tour une leçon à ces sous-doués de Provençaux qui n’ont pas compris que « la langue de Provence, c’est de l’occitan que l’on appelle aussi du provençal ».
C’était en novembre 2005, sur France Bleue Vaucluse, dans le cadre d’un reportage de Jean-Pierre Belmon sur la manifestation que l’I.E.O. avait organisée à Carcassonne le mois précédent.
Voici ses aimables propos :
« Quelqu’un qui me dit “Tiens, regarde ça c’est un moineau”, je lui dis “oui, c’est un moineau mais c’est un oiseau”; je lui dis qu’il n’est pas capable de comprendre les ensembles et les sous-ensembles mais que c’est bien dommage parce que ça s’apprend au CM2, mais c’est bien comme ça ! il y a une très belle définition qui a été trouvée, dans sa grande sagesse, par le Parlement de Catalogne à propos de l’occitan du Val d’Aran et dans le nouveau statut de Catalogne et c’est écrit comme ceci : “La langue officielle du Val d’Aran est la langue occitane, appelée ici parfois l’aranais.” Alors la langue de Provence, c’est de l’occitan que l’on appelle aussi du provençal. Mais je n’y peux rien, c’est comme ça ! Si les gens ne veulent pas entendre ça, c’est qu’ils ne veulent rien entendre et quand on est sourd l’on devient très vite muet. Et ça, c’est le problème de ces gens là. »
Son illustre père avait lui aussi abordé ce problème de logique il y a près de trente ans : « “langue occitane” ou “occitan” n’est que l’appellation commune (le concept général) qui regroupe ces variétés [locales]. Exactement comme le mot “fleur” est l’appellation de la rose, de la marguerite ou du camélia… Mais pas plus que la fleur n’existe en soi et en dehors des roses, violettes ou camélias, pas plus l’Occitan n’existe en soi et en dehors de ses variétés réelles. » (« E se disèvam : “pro !” », Per noste n° 72, 5/6-79, p. 5).
On observera cependant que la comparaison est boiteuse : aucune fleur n’est une « variété » du concept de fleur; et l’auteur donnait bizarrement le nom de « langue » à une abstraction et le refusait aux « variétés réelles ».
Voulant justifier les titres de deux dictionnaires « français-occitan (Béarn) » (1984) et « français-occitan (gascon) » (2003), M. Grosclaude devait y revenir, mais en abandonnant le nom même de « variétés » : « l’occitan parlé en Béarn est un occitan à part entière et non pas une variante plus ou moins marginale »; et pour le second, « l’occitan parlé en Gascogne etc. »; en bonne logique, ces phrases écrites en français, langue maternelle de l’auteur, supposaient qu’il y a autant d’« occitanS à part entière » — ou de langueS d’oc — que de grandes régions linguistiques...
Alors, avec son moineau qui est un oiseau, M. David Grosclaude ne fait que changer d’image : l’oiseau est un animal réel, « oiseau » est un concept. Et quand dans un restaurant du Béarn il commande une coéxe de guit (cuisse de canard), il n’est sans doute pas disposé à ce qu’on lui serve une cuisse de moineau, qui est pourtant comme l’autre une cuisse d’oiseau !
Mais à force de jouer sur les mots et de prendre les gens pour des imbéciles, on finit par se prendre les pieds dans le tapis. Pour jouer au bonneteau et tromper les gogos, il faut des doigts de prestidigitateur, et encore, ça ne marche pas toujours !
Ainsi en est-il d’un fonctionnaire du Ministère de la culture, manifestement très proche du mouvement occitaniste, quand il a rédigé la réponse officielle à une question du Député Michel Vauzelle, Président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur; celui-ci interrogeait notamment la Ministre de la culture Mme Albanel sur la volonté du Gouvernement de reconnaitre le provençal parmi les langues régionales.
Confondant de fait « la volonté du Gouvernement » et celle de ses services, il a donc écrit : « Pour ce qui concerne le domaine linguistique gallo-roman, les services de l’État n’entendent pas remettre en cause la nomenclature traditionnelle, en usage dans l’administration depuis la loi Deixonne de 1951 : l’occitan est une langue avec différentes variétés dialectales, dont le provençal. » Ce n’était rien moins que le contrepied des propos de Mme Albanel elle-même devant l’Assemblée nationale, le 7 mai, quand elle avait mentionné par trois fois les « langueS d’oc » au pluriel et apparemment limité le terme d’« occitan » à la langue de sa ville de Toulouse, donc au languedocien.
Puis, à la faveur peut-être des déplacements ou congés de responsables qui auraient pu mettre le holà, cette étrange réponse a fini par être publiée au Journal officiel du 5 aout, alors que la question était posée depuis le 13 mai.
Voilà donc un fonctionnaire qui semble tellement acquis aux idées occitanistes qu’il en contredit sa ministre; mais il poursuit par cette phrase qui va ruiner ce qui précède : « Chaque variété est l’expression pleine et entière de la langue, qui n’existe qu’à travers ses composantes. » Car en bonne logique, cela s’analyse en deux propositions : l’occitan n’existe pas comme langue, seules existent ses composantes.
Au choix des mots près, c’est du pur Michel Grosclaude de 1979, mais aussi ce qu’avait écrit peu avant le grand occitaniste que fut René Nelli (1906-1982) : « Personne n’écrit en occitan, mais en provençal, en languedocien, en gascon… Les circulaires ministérielles ont donc raison de parler de l’enseignement des “langues d’oc” et non pas de l’occitan. Reconnaître que chacune des langues est occitane ne change rien au fond du problème. Ce n’est pas parce que le Provençal, l’Espagnol et l’Italien sont trois langues « néo-romanes » que le Néo-roman existe. Le provençal est de l’occitan, mais l’occitan n’est pas le provençal ! » (Mais enfin qu’est-ce que l’Occitanie ?, 1978, p. 31).
Les partisans de la pluralité des langueS d’oc ne pensent pas autrement non plus, car la prétention à l’unité, y compris chez Mistral, n’est que le moyen de s’acheminer vers le nivellement général au profit du provençal rhodanien pour Mistral, ou du languedocien normalisé, dit « occitan », pour Alibert and his boys.
« Si les gens ne veulent pas entendre ça, c’est qu’ils ne veulent rien entendre et quand on est sourd l’on devient très vite muet. » disait M. David Grosclaude à France Bleue Vaucluse; pour peu qu’il se l’applique à lui-même et à tous les occitanistes qu’il préside, nous pourrons bien vite trinquer ensemble auX langueS d’oc !
Jean Lafitte
Docteur en sciences du langage
Vice-président de l’Institut Béarn-Gascogne
Site trouvé par hasard; je n’avais jamais entendu parler du film ni de l’émission et n’ai pas le temps de m’y intéresser de près. Mais si quelqu’un veut étudier la chose…
J. Lafitte – 23/09/08
http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=1126
1 commentaire:
D'un point de vue logique, si l'oiseau n'existe pas, le moineau n'existe pas non plus. Seuls les individus existent et on les regroupe ensuite d'une façon ou d'une autre.
Il y a ceux qui veulent absolument voir un moineau et ceux qui veulent absolument voir un oiseau (ua passereta o un auseth).
S'acharner à affirmer que l'occitan (ou provençal comme je l'appelle moi-même encore) n'existe pas, est tout aussi absurde que de refuser d'admettre qu'il y a des différences d'expression entre les diverses régions du midi de la France.
Reste à savoir (et pour certains, cela semble l'essentiel de leur combat) si ces différences doivent conduire à l'appelation de "dialecte" ou à l'appelation de "langue".
Pour ma part, je m'en fiche. L'essentiel n'est-il pas de pratiquer et de promouvoir notre/nos langues régionales ? J'ai vraiment l'impression que ce problème des dialectes (ou langues) n'existe que depuis que plus personne ne pratique ! Il y a une question de fierté mal placée là-dessous...qu'es pla perda !
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