mercredi 13 août 2008

Des noms authentiques de la langue romane des Pyrénées-Atlantiques

Jean Lafitte


Des noms authentiques de la langue romane des Pyrénées-Atlantiques


Historiquement, la première attestation connue du nom de gascon se trouve dans un acte en gascon dressé en 1313 par le notaire de Garris alors en royaume de Navarre; il concerne un moulin à bâtir et exploiter à La Bastide Clairence, sur une eau [= cours d’eau] « en gascon dite la Sotzcabe » (Archives de Navarre à Pampelune).

Au témoignage de Froissart, hôte de Gaston Fébus en 1388, celui-ci parlait gascon et nommait ainsi cette langue.

L’appellation de bearnes (béarnais) apparait le 1er mars 1533 quand l’évêque de Rodez, vassal du roi Henri II de Navarre, vient présider en son nom les États de Béarn avec des lettres patentes d’accréditation rédigées en français; les États protestent et prient l’évêque d’en autoriser la traduction en bearnes avant de les insérer dans les registres. L’expression en bearnes figure par trois fois dans la mention de cet enregistrement. Plus tard, ces États rappel­lent énergiquement au Roi et à la Reine de Navarre que l’us et coutume est de rédiger les privilèges et actes de justice « en lo lengadge bearnes » et les prient de maintenir obligatoire cet usage, ce que les souverains décident le 24 juillet 1556. Et le 22 mai 1562, dans une affaire de succession intéressant la Maison de Foix, c’est en français qu’un arrêt du Parlement de Paris mentionne des « pièces vieilles et antiennes estans en langaige byernois et gascon » qui ont été traduites en « langaige vulgaire françois ». Plus loin, les mêmes documents sont dits en « langaige gascon et byernois ». Bien entendu, lengadge en béarnais et langaige en français ont à l’époque le sens de « langue » actuel, tout comme l’anglais language.

En revanche, le mot « occitan » pour désigner le gascon ou le béarnais n’apparait qu’après 1968, chez des enseignants attachés à la lettre de la loi du « Deixonne » du 11 janvier 1951 relative à l’enseignement des langues et dialectes locaux, dont l’article 10 prévoit qu’elle s’appliquera à la rentrée suivante « dans les zones d’influence […] de la langue occitane ».

Cependant, dans un rapport linguistique présenté à l’Assemblée générale de l’Institut d’études occitanes (I.E.O.) de septembre 1972 et approuvé par elle, le Professeur d’université Pierre Bec, Président de cette association (privée), situe ainsi le gascon par rapport à aux autres langues d’oc qu’il réunit sous le nom d’« occitan » : « il s’agit là […] en fait d’une langue très proche, certes, mais spécifique (et ce dès les origines), au moins autant que le catalan. » C’est écrit en languedocien, mais l’auteur le réaffirme en français dans son Manuel pratique d’occitan moderne (1973) où est prise la citation qui précède.

Parallèlement, l’esprit de la loi Deixonne qui vise les langues efffectivement parlées au plan local amène l’Éducation nationale à considérer qu’il y a en réalité des langues d’oc (Circulaire Haby du 29 mars 1976); une organisation occitaniste attaque ce texte devant le Conseil d’État, qui confirme la légalité de l’interprétation ministérielle (arrêt Carbonne du 7 Octobre 1977); en effet, le Commis­saire du Gouvernement avait notamment fait valoir qu’« en mentionnant la langue occitane, le législateur ne […] semble pas avoir voulu affirmer une unité qui n’existe pas en fait ».

L’année suivante, l’occitaniste “historique” René Nelli (1906-1982), l’un des fondateurs de l’I.E.O. en 1945, allait courageusement approuver ce pluriel : « Personne n’écrit en occitan, mais en provençal, en languedocien, en gascon… Les circulaires ministérielles ont donc raison de parler de l’enseignement des “langues d’oc” et non pas de l’occitan. » (Mais enfin qu’est-ce que l’Occitanie ?, p. 31).

De fait, depuis plusieurs années, l’arrêté annuel désignant les académies où l’on pourra subir les épreuves des diverses langues dites « rares » cite distinctement l’auvergnat, le gascon, le limousin etc. Les mots « langue d’oc » ou « occitan-langue d’oc » qui préfixent ces noms propres de langues ne sont là apparemment que pour satisfaire les avis contradictoires au sein même du ministère; mais le regroupement linguistique qu’ils affichent n’est pas plus opérant que « germanique » dont on pourrait préfixer l’alsacien et le francique de Moselle : chacune des langues d’oc ainsi nommée est traitée comme langue distincte, sur le même plan que l’arabe littéral ou le chinois.

L’ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 instituant le Code de l’éducation a abrogé notamment la loi Deixonne de 1951, supprimant « la langue occitane » de l’appareil juridique français. M. Jack Lang était alors ministre de l’Éducation nationale.

Tout dernièrement, le 7 mai, dans sa déclaration faite au nom du Gouvernement devant l’Assemblée nationale, Mme Albanel, ministre de la Culture et de la Communication, a repris par trois fois le pluriel de « langues d’oc », réservant le terme d’« occitan » à la langue d’oc de Toulouse, dite jusqu’ici « languedocien ». Dans un débat parallèle tenu au Sénat le 13 mai, c’est le Sénateur-maire de Béziers, M. Raymond Couderc, qui a usé de même du pluriel de « langues d’oc » et nommé « occitan » le languedocien de Béziers.

Quant à nos députés, M. Lassalle a nommé par deux fois « béarnais » sa langue maternelle lors du débat du 7 mai, et M. Bayrou une fois lors du débat du 22 sur les institutions, qui devait aboutir à la mention des langues régionales dans l’article 1er de la Constitution.


Ni l’histoire, ni la linguistique, ni le droit ne permettent donc de nommer « occitan » la langue romane autochtone parlée dans le département des Pénées-Atlantiques, et plus généralement dans le « triangle aquitain », sensiblement entre Garonne, Océan et Pyrénées. Seuls sont pertinents le nom de gascon pour la totalité, et celui de béarnais pour les parlers gascons de l’ancienne principauté de Béarn.

Au demeurant, ce sont les seuls qui correspondent au sens identitaire de la majorité de la population et qui peuvent motiver chez elle le désir de retrouver la langue. Alors que « occitan » suscite très généralement un sentiment de rejet, clairement décrit par Jordi Fernández-Cuadrench, premier directeur de l’Institut occitan de Pau lorsqu’il quitta ses fonctions (Sud-Ouest du 7 aout 2003). Sauf bien sûr dans les jeunes générations “matraquées” par l’occitanisme de certains ensei­gnants et animateurs culturels. Mais en prenant de l’âge et donc de l’expérience, ceux qui s’étaient laissés endoctriner et qui s’intéressent encore à la langue du pays s’aperçoivent souvent de leur erreur.

Jean Lafitte 23 juin 2008

Retouché le 23 mai 2009

1 commentaire:

Anonyme a dit…

beaucoup appris

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